Par Valérie Guédot
Publié le
4 min
Pendant la seconde guerre mondiale en Ukraine, Hugo, 12 ans, est enfermé dans le placard d’une chambre de maison close afin d’échapper à la déportation. Son univers restreint et confiné ne l’empêche pas de vivre et de ressentir. Un partenariat France Inter
Dans son filmLa Chambre de Mariana, adapté du roman d’Aharon Appelfeld, le réalisateur Emmanuel Finkiel retrouve pour la troisième fois la comédienne Mélanie Thierry qui joue le personnage de Mariana et nous fait découvrir le jeune Artem Kyryk dans le rôle d’Hugo.
Résumé: 1943, Ukraine, Hugo a 12 ans. Pour le sauver de la déportation, sa mère le confie à son amie d’enfance Mariana, une prostituée qui vit dans une maison close à la sortie de la ville. Caché dans le placard dans la chambre de Mariana, toute son existence est suspendue aux bruits qui l’entourent et aux scènes qu’il devine à travers la cloison...
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Comment un enfant dans ses conditions terribles peut-il survivre? A travers les fissures du placard dans lequel il est caché, Hugo est le témoin de la violence de la guerre et des passes de Mariana avec les allemands. Peu à peu, Hugo ressent les prémices de l’adolescence avec ses premiers émois sexuels tout en prenant conscience des horreurs de la guerre.
Emmanuel Finkiel donne le ton:
«Ce don que Mariana lègue à cet enfant, l’envie de rester en vie. Une porte de sortie mentale. Dans le marécage de douleurs que traverse cet enfant se lève tout d’un coup un soleil, une vitalité. Et c’est par l’éveil à la sexualité que cette énergie de vie arrive. Mariana, c’est Eros, pas seulement au sens sexuel, mais au sens plus global de la vie. Thanatos, c’est le repli, le pas bouger, le pas penser, le pas stimuler, tourner le dos à la vie. Eros, au contraire, c’est forcément voir demain. C’est ce qui m’a motivé à faire ce film.»
Emmanuel Finkiel évoque ainsi le rôle de Mariana tenu par Mélanie Thierry:
«J’ai pu écrire très librement Mariana, un personnage fantasque, haut en couleurs. Elle n’arrête pas de jouer. Elle est contradictoire, dépressive, elle pratique le déni, terriblement en vie, elle est un soleil… Pour jouer ce personnage-instrument qui est parfois une flûte traversière, parfois une basse mélancolique, il me fallait une virtuose.»
Mélanie Thierry ne joue pas dans sa langue maternelle. Emmanuel Finkiel explique:
«Pendant deux ans elle a travaillé avec des coachs, en suivant des stages chez Tomatis, un spécialiste de l’oreille et de l’écoute. Mélanie a éduqué son oreille à la langue ukrainienne si bien qu’elle a pu jouer et dire ses dialogues comme elle respirait… Mélanie est tellement géniale qu’elle n’a pas la même voix en ukrainien et en français et que son corps ne bouge pas de la même façon. L’ukrainien n’est pas que dans le texte, mais aussi dans ses rires tonitruants et ses pleurs de petite fille. Elle est Mariana jusqu’au bout de l’âme.»
Ecrit avant le conflit, le casting en a été plus que perturbé et le tournage a donc eu lieu en Hongrie alors qu’il aurait dû se dérouler en Ukraine. Emmanuel Finkiel rappelle:
«On devait tourner en Ukraine même puis la Russie l’a envahie et on a finalement tourné en Hongrie. Pendant la préparation, on s’est retrouvé devant un dilemme: comment représenter l’Ukraine de 1942 sans donner des gages à la rhétorique poutinienne? Cette guerre en Ukraine a un peu modifié le script au sens où à un moment, les filles dans le film ont plus peur des Russes qui vont arriver que des Allemands qui viennent de partir, et qui étaient leurs clients. Les épurations ont été terribles, notamment, comme dans beaucoup de pays, pour les femmes. On n’a pas zigouillé de grands collabos mais on a zigouillé les prostituées qui avaient couché avec les Allemands…»
Emmanuel Finkiel raconte comment il a trouvé Artem Kyrik qui joue Hugo:
«On a fait six mois de casting. Au début, il n’y avait pas encore la guerre en Ukraine. Puis quand la guerre a commencé, on n’avait toujours pas trouvé l’enfant…
… à quelques semaines du tournage, la sœur d’Artem a vu l’annonce depuis sa province ukrainienne et a répondu pour son frère. On a communiqué par zoom avec Artem, on a essayé des scènes et c’était fort avec ce garçon ukrainien parce qu’on connaissait la situation, et parce qu’on entendait des rumeurs lointaines d’explosions.»
Emmanuel Finkiel ne souhaitait pas forcément faire un film sur la Shoah:
«Dès qu’on aborde ce thème, on étiquette «film sur la Shoah», sans même essayer de voir si la proposition est différente, singulière. On risque effectivement de se faire enfermer dans une boite. Mais faire un film est une nécessité, quelque chose de plus fort que tout et submerge ce type de considérations…
… Avec La Chambre de Mariana, je suis non seulement retourné vers cette époque mais je suis allé au front, au cœur de ce processus. Ce ne sont plus des traces enfouies, j’ai filmé un charnier, chose que je n’aurais jamais fait il y a dix ans. Je faisais partie de ceux qui disent: «ça ne se filme pas! ». Mais là, je me suis dit: «il faut montrer, il faut que le petit soit témoin direct». Et grâce à sa rencontre avec la solaire Mariana, Hugo courra vers la vie.»
► Distribution
D’après le roman La Chambre de Mariana d’Aharon Appelfeld
Réalisation, scénario, adaptation et dialogue d’Emmanuel Finkiel
Avec:
Mélanie Thierry: Mariana
Artem Kyryk: Hugo
Julia Goldberg: Yulia
Yona Rozenkier: Yacov
Minou Monfared: Anna
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